Chapitre DEUX

Le 9 juillet à 14h06 Geoffrey m'envoie :

1) D-Day    [musique: http://www.deezer.com/#music/result/all/manu%20chao%20wampas]

Mon "opération overlord" perso. Je débarque en Normandie lors d'une belle journée ensoleillée.

Ca ne durera pas bien longtemps, je l'apprendrai à mes dépends...

Car ici, il faut le savoir, rien ne dure, encore moins la météo.

Même les prévisions pour le lendemain ne sont données qu'avec un indice de fiabilité en deça de 80%.

Les nuages ici passent et ne s'arrètent pas. C'est aussi la seule région de ma connaissance où parfois les nuages se déguisent en vagues déferlentes. La première fois que je l'ai vu, près de Caen, je suis resté cois devant tant de fluidité aerienne. Le ciel est toujours en mouvement, et le soleil aime souvent jouer à cache cache. La pluie ? qui a parlé de pluie ? Des fois il pleut, et on ne s'en rend compte que lorsque les vêtements sont trempés. De plus, cette pluie n'arrive jamais quand on le pense, et repart d'ailleurs toujours au moment où je sors mon k-way. Ici le mouvement est roi. En vérité toute la région est réglée sur ce même rythme: la vallée de la Seine constitue depuis des millénaires un axe de circulation privilégié. Les autoroutes sillonnent le paysage vers de plus lointaines destinations.

On a souvent en tête l'image de la vache normande regardant stoïquement passer le train. C'est un peu faux. en fait, les vaches se foutent royalement des trains. Par contre il suffit que je sois à moins de cent mètres d'elles pour qu'elles se figent et meuglent à tue-tête comme si Creusfeld Jacob leur tombait dessus. Certaines mêmes s'enhardissent à me courir après, et je vous assure que voir une vache qui galope c'est assez impressionnant. Ce qu'il faut surtout retenir de cette image d'Epinal, c'est que les vaches représentent la région. Non pas grosse, imbécile et teigneuse (quoique dans certains cas... ;-) ), mais adepte d'une certaine tradition. Le cidre, les vaches et les champs de blé ou de maïs sont l'essentiel de cette culture normande (si vous me passez ce mauvais jeu de mot).

Le train que la Normandie regarde passer, c'est le monde qui l'entoure. A chaque fois qu'il y a eu un débarquement d'importance en France, ce fut en Normandie. Edouard III voulut conquérir le royaume de France en passant par les mêmes plages que les GI bien après lui.

Mais à chaque fois personne n'est resté. Le front avança vers l'Allemagne dans un cas, et la razzia remonta vers Crécy dans l'autre.

Les parisiens eux-mêmes ne font que passer en Normandie le week-end pour s'y reposer.

La Normandie me fait penser à un chauffeur de bus.

Il ne bouge pas de son siège, mais il déplace d'autres entités. Dont moi.

Je suis comme un de ces nuages normands,  je ne fais que passer plus ou moins rapidement par dessus les villes et les campagnes, sans jamais m'attarder de trop, vers des lointaines terres. La suite nous dira où.